Lakmé
Opéra en 3 actes
Libretto di Edmond Condinet e Philippe Gille
Musica di Léo Delibes
Personaggi:
Gérard, British Army Officer, Tenor
Frédérick, British Army Officer, Baritone
Nilakantha, a Brahmin priest, Bass
Lakmé, his daughter, Soprano
Mallika, her servant, Mezzo-soprano
Hadji, a Hindu servant, Tenor
Ellen, the Governor's daughter, Soprano
Rose, her friend, Soprano
Miss Benson, her governess, Mezzo-Soprano
A Fortune Teller
A Chinese Merchant
A Sepoy
Ufficiali e Ladies inglesi, Indiani, Bramini, mercanti, musicisti, marinai, cinesi, giovani danzatrici. L’azione si svolge in India.
Prelude
(Un jardin très ombragé où s’entremêlent toutes les fleurs de l’Inde.
Au fonds, près d’un petit cours d’eau une sorte de temple perdu dans la verdure. C’est le lever du jour.)
No. 1a. Introduction
Prayer et Chœur
(Au lever du rideau, Hadji et mallika vont ouvrir la porte du jardin à des Hindous, hommes et femmes, qui entrent avec recueillement.)
Rideau
LES HINDOUS
(Mallika avec les soprani, Hadji avec le 2e ténor)
A l’heure accoutumée,
Quand la plaine embaumée,
Par l’autre enflammée,
Fête le jour naissant,
Unissons nos prière,
Pour calmer les colères,
Pour calmer les colères,
De Brahma mençant,
Pour calmer les colères
De Brahma me naçant.
NILAKANTHA
Soyez trois fois bénis, vous qui rendez hommage
Au prètre abandonné qu’on raille
et qu’on raille et qu’on outrage!
De nos vainqueurs odieux
Nous lasserons les colères;
Ils ont pu chasser nos Dieux
Fr leurs temples séculaires!
Mais, sur leurs têtes, Brahma
A suspendu sa vengeance,
Et, quand elle éclartera,
De sera la délivrance.
Dans ma retraite, aujourd’hui,
La puissance de Dieu brille,
Je le vois, je monte à lui,
je le vois, je monte à lui
Quand j’entends prier ma fille!
(Tous les Hindous se prosternent.)
LAKME
(dans la coulisse)
Blanche Dourga,
Pâle Siva!
Puissant Ganeça!
O vous que créa Brahman! ah!
LES HINDOUS
O Dourga, blanche Dourga,
Ganeça, protégez-nous,
O Siva, apaisez-vous
Dieux tout puissant que créa Brahma!
(Les Hindous à bouche fermées.)
(Lakmé parait.)
LAKME
Blanche Dourga,
Pâle Siva!
Puissant Ganneça!
O vous, que créa Brajma! Ah!
LES HINDOUS
O Dourga, blanche Dourga,
Ganeça, protégez-nous,
O Siva, apaisez-vous
Dieux tout puissant que créa Brahma!
NILAKANTHA
Allez en paix, redites en partant,
La prière au matin,
Allez, allez!
Dieu vous entend!
LES HINDOUS
A l’heure accoutumée
Quand le pleine embaumée,
Par l’aurore enflammée
Fête le jour naissant,
Unissons nos prières,
Pour calmer les colères
Pour calmer les colères
De Brahma menaçant,
Pour calmer les colères
De Brahma menaçant.
(Les Hindous sortent avec recueillement.)
No. 1b. Scène
NILAKANTHA
(avec tendresse)
Lakmé, c’est toi qui nous protèges!
Et si je peux braver les haines sacrilèges
De l’ennemi triomphant,
C’est que Dieu prend pitié de la candeur d’enfant.
LAKME
Lorsque Brahma dans sa clémence,
En broyant une fleur fit la terre et le ciel,
Il y laissa le miel!
Et ce fut l’espérance!
NILAKANTHA
Il faut que je te quitte à l’instant!
LAKME
Quoi, déjà?
NILAKANTHA
Sois sans crainte!
Dans la pagode sainte,
Qui reste encor debout, à la ville on m’attend;
La fête de demain m’appelle!
(au deux serviteurs)
Restez près de Lakmé.
HADJI
Nous veillerons sur elle.
MALLIKA
Nous veillerons tous deux.
NILAKANTHA
Je serai de retour
Avant la fin du jour.
Ensemble
LAKME, MALLIKA & HADJI
Que le ciel te protège,
Te guide par la main,
Chasse tout sacrilège
Au loin de ton chemin,
Chasse tout sacrilège
Au loin de ton chemin.
NILAKANTHA
Que le ciel me protège,
Me guide par la main,
Chasse tout sacrilège
Au loin de mon chemin,
Chasse tout sacrilège
Au loin de mon chemin.
(Nilakantha sort.)
No. 2. Duet
LAKME
(gaiement)
Viens, Mallika, les lianes en fleurs
Jettent déjà leur ombre
Sur le ruisseau sacré qui coule, calme et sombre,
Eveillé par le chant des oiseaux tapageurs!
MALLIKA
Oh! maîtresse,
C’est l’heure ou je te vois sourire,
L’heure bénie où je puis lire
dans le cœur toujours fermé de Lakmé!
LAKME
Dôme épais le jasmin,
A la rose s’assemble,
Rive en fleurs frais matin,
Nous appellent ensemble.
Ah! glissons en suivant
Le courant fuyant:
Dans l’on de frémissante,
D’une main nonchalante,
Gagnons le bord,
Où l’oiseau chante, l’oiseau, l’oiseau chante.
Dôme épais, blanc jasmin,
Nous appellent ensemble!
MILLIKA
Sous le dôme épais, où le blanc jasmin
A la rose s’assemble,
Sur la rive en fleurs riant au matin,
Viens, descendons ensemble.
Doucement glissons
De son flot charmant
Suivons le courant fuyant:
Dans l’on de frémissante,
D’une main nonchalante,
Viens, gagnons le bord,
Où la source dort
Et l’oiseau, l’oiseau chante.
Sous le dôme épais,
Sous le blanc jasmin,
Ah! descendons ensemble!
LAKME
Mais, je ne sais quelle crainte subite,
S’empare de moi,
Quand mon père va seul à leur ville maudite;
Je tremble, je tremble d’effroi!
MALLIKA
Pourquoi le Dieu Ganeça le protège,
Jusqu’à l’étang où s’ébattent joyeux
Les cygnes aux ailes de neige,
Allons cueillir les lotus bleus.
LAKME
Oui, près des cygnes aux ailles de meige,
Allons cueillir les lotus bleus.
Ensemble
LAKME
Dôme épais le jasmin,
A la rose s’assemble,
Rive en fleurs frais matin,
Nous appellent ensemble.
Ah! glissons en suivant
Le courant fuyant:
Dans l’on de frémissante,
D’une main nonchalante,
Gagnons le bord,
Où l’oiseau chante, l’oiseau, l’oiseau chante.
Dôme épais, blanc jasmin,
Nous appellent ensemble!
MALLIKA
Sous le dôme épais, où le blanc jasmin
A la rose s’assemble,
Sur la rive en fleurs riant au matin,
Viens, descendons ensemble.
Doucement glissons
De son flot charmant
Suivons le courant fuyant:
Dans l’on de frémissante,
D’une main nonchalante,
Viens, gagnons le bord,
Où la source dort
Et l’oiseau, l’oiseau chante.
Sous le dôme épais,
Sous le blanc jasmin,
Ah! descendons ensemble!
(Elles remontent lentement vers la barque amarrée dans les roseaux.)
(Lakmé et Mallika montent dans la barque qui s’éloigne.)
LAKME & MALLIKA
(dans le lointain)
Ah! ah! ah!
MISS BENTON
Miss Rose, Miss Ellen, respectez les clôtures.
ELLEN
Laissez-nous voir au moins par-dessus les bambous.
ROSE
La brèche est faite on peut passer!
GERARD
Voilà Mistress Bentson qui cout les aventures!
MISS BENTSON
C’est très irrégulier.
GERARD
Mais c’est très amusant!
FREDERIC
Dangereux quelquefois!
GERARD
Voilà ce qui nous tente!
MISS BENTSON
Mais moi, je dois être prudente comme gouvernante.
ELLEN
L’Inde est abominable!
GERARD
C’est un pays enchanteur puisqu’on y peut mourir en mordant une fleur.
FREDERIC
O poète, perdu dans le ciel où tu planes!
Reconnais-tu le lotus des Brahmanes?
La pagode-cachée où l’on chante Brahma:
nous sommes chez Nilakantha?
TOUS
Nilakantha!
GERARD
Ce Brahmane indompté qui souffle aux Indiens la haine vengeresse?
FREDERIC
Il a fait de sa fille une divinité
mieux mieux encore une charmeresse
qui se cache, dit-on, ainsi qu’une déesse
dans ce doux paradis aux profanes fermé.
On la nomme Lakmé.
GERARD
Lakmé
No. 3. Quintette & Couplets
GERARD
Et vous croyez qu’elle est belle?
FREDERIC
Ravissante, dit-on!
ELLEN
Quand une femme est si jolie,
Elle a bien tort de se cacher.
FREDERIC
Dans ce pays tout est folie
Et j’admets tout, moi, sans broncher.
GERARD
Une idole qu’on divinise!
ROSE
Que l’on enferme avec ferveur!
GERARD
Et qui jamais ne s’humanise!
MISS BENSON
Je la crois laide à faire peur!
ELLEN
Une femme est toujours sensible
Au juste hommage qu’on lui rend.
FREDERIC
En Europe, c’est bien possible;
Mais ici, c’est tout différent!
Ensemble
ELLEN & ROSE
Ah! beaux faiseurs de systèmes,
Amoureux du changement,
Laissez-là vos poèmes
Et raisonnons un moment.
Oui, les femmes sont partout les mêmes
Fort heureusement,
Les femmes sont les mêmes partout les mêmes
Fort heureusement, fort heureusement!
MISS BENSON
Ah! beaux faiseurs de systèmes,
Amoureux du changement,
Laissez-là vos poèmes
Et raisonnons un moment.
Partout les femmes sont les mêmes
Partout les femmes sont les mêmes
Fort heureusement!
GERARD
Ah! beaux faiseurs de systèmes,
Amoureux du changement,
Laissez-là vos poèmes
Et raisonnons un moment.
Partout les femmes sont toujours les mêmes
Partout les femmes sont les mêmes,
Heureusement,
Fort heureusement, fort heureusement!
FREDERIC
Je hais tous les systèmes,
J’observe tout simplement
Sans faire du poèmes,
J’observe tout simplement.
Les femmes ne sont pas partout les mêmes
Les femmes ne sont pas les mêmes,
Heureusement,
Fort heureusement, fort heureusement!
ELLEN
Si nous cherchions un peu sa trace
Dans cet enclos mystérieux?
FREDERIC
Oh! non! ce serait d’une audace
A faire bondir tous leurs Dieux!
ROSE
(railleuse)
A-t-elle une grâce divine?
FREDERIC
(sarcastic)
Mon Dieu! moi, je me l’imagine!
GERARD
(raillant)
Faudrait-il vivre à ses genoux?
MISS BENSON
(ironique)
Dites donc qu’elle est mieux que nous!
FREDERICK
Je ne dis pas cette sottise,
Non…
Mais, sous ce beau ciel de feu,
Les femmes, qui leur soleil grise,
Des nôtres différent un peu.
Leur vertu bizarre
Manque d’apparat;
L’amour s’en empare
Sans les ni contrat!
Ce n’est plus l’amour aux façons coquettes,
Ce n’est plus ce tendre et doux sentiment,
Un bonheur d’allures discrètes,
Qui finit très moralement.
Non, leur cœurs s’enivre
Du plaisir d’aimer
Et pour elles, vivre,
Ce n’est que charmer,
Vivre, c’est charmer!
ELLEN
(récit.)
Ce sont des femmes idéales,
Qui charment instantanément
Et nous leur paraîtrons banales,
Nous, qui voulons plaire autrement.
Nous sommes conquises avec moins d’éclat!
De peur des surprises
La raison combat.
Mais elles n’ont pas, vos enchanteresses,
Le effrois charmants des premiers aveux,
Ni les troubles, ni les ivresses
D’un bonheur que l’on rêve à deux!
Ces beautés célestes
Savant tout charmer,
Mais nous, plus modestes,
Nous savons aimer, nous savons aimer.
FREDERIC
Ne croyez pas que je compare!
ELLEN, ROSE & MISS BENSON
C’est votre esprit qui vous égare!
GERARD
Il est naïf en vérité!
FREDERIC
Je dis ce qu’on m’a raconté non, non,…
Ensemble
ELLEN, ROSE, MISS BENSON & GERARD
Vraiment son esprit s’égare,
C’est trop de naïveté
Quelle crédulité quelle crédulité!
Ah! beaux faiseurs de systèmes,
Amoureux du changement.
Laissez-là vos poèmes
Et raisonnons froidement.
FREDERIC
Je crois ce qu’on m’a raconté, ce qu’on m’a raconté!
Moi, je hais tous les systèmes.
J’observe tout simplement,
Sans faire de poèmes
J’observe tout simplement.
ELLEN & ROSE
Oui, les femmes sont partout les mêmes
Fort heureusement,
Les femmes sont les mêmes partout les mêmes
Fort heureusement, fort heureusement!
Gardez-vous de rien changer.
En amour c’est un danger.
Ah! (laissez-là vos beaux système) ah!
Partout les femmes sont bien les mêmes, les mêmes!
MISS BENSON
Partout les femmes sont les mêmes
Partout les femmes sont les mêmes
Fort heureusement!
Gardez-vous de rien changer.
En amour c’est un danger,
Ah! laissons-là ces beaux systèmes.
Partout les femmes,
les femmes sont bien les mêmes, les mêmes!
GERARD
Partout les femmes sont toujours les mêmes
Partout les femmes sont les mêmes,
Heureusement,
Fort heureusement, fort heureusement!
Gardons-nous, de rien changer.
En amour c’est un danger,
Ah! laissez-là vos beaux systèmes,
Partout les femmes,
les femmes sont bien les mêmes, les mêmes!
FREDERIC
Les femmes ne sont pas partout les mêmes
Les femmes ne sont pas les mêmes,
Heureusement,
Fort heureusement, fort heureusement!
Oui, parfois il faut changer.
Je n’y vois aucun danger.
Je ne veux suivre aucuns systèmes,
Partout les femmes,
les femmes, ne sont pas les mêmes, les mêmes!
FREDERIC
Nous commettons un sacrilège qu’on indou ne pardonne pas!
GERARD
Qu’importe à des soldats!
FREDERIC
On tombe un jour sans bruit enfermé dans un piège!
MISS BENTSON
Partons! Partons!
ROSE
(apercevant les bijoux)
Oh! des bijoux!
MISS BENTSON
Suivez-moi!
ELLEN
Des bijoux ravissants!
Laissez-nous les voir!
MISS BENTSON
Non! non!
ELLEN
Quel dommage!
GERARD
Eh bien! j’en prendrai le dessin.
ELLEN
Vous resterez sans nous?
GERARD
Vous les mettrez le jour de notre mariage!
ELLEN
Pourtant, si c’était dangereux…
GERARD
Non!
FREDERIC
C’est très imprudent.
Ah! le vilain métier que celui d’homme sage!
No. 4a. Aria
GERARD
(récit.)
Prendre le dessin d’un bijou,
Est-ce donc aussi grave?
Ah! Frédéric est fou!
Mais d’où vient maintenant cette crainte insensée?
Quel sentiment surnaturel
A troublé ma pensée
Devant ce calme solennel!
Fille de mon caprice,
L’inconnue est devant mes yeux!
Sa voix à mon oreille glisse
Des mots mystérieux.
Non! non!
Fantaisie aux divins mensonges,
tu reviens m’égarer encor.
Va, retourne au pays de songes,
O fantaisie aux ailes d’or
O fantaisie aux ailes d’or!
Va! va! Retourne au pays des songes.
O fantaisie aux ailes d’or!
Au bras poli de la païenne
Cette annelet dut s’enlacer!
Elle tiendrait toute en la mienne,
La main qui seule y peut passer!
Ce cercle d’or
Je le suppose,
A suivi les pas voyageurs
D’un petit pied qui ne se pose
Que sur la mousse ou sur les fleurs..
Et ce collier encor parfumé d’elle,
De sa personne encor tout embaumé.
A pu sentir battre son cœur fidèle,
Tout tressaillant au nom du bien aimé,
tout tressaillant au nom du bien aimé.
Non! Non! Fuyez!
Fuyez, chimères.
Rêves éphémères
Qui troublez ma raison.
Fantaisie aux divins mensonges,
Tu reviens m’égarer encor.
Va, retourne au pays des songes,
O fantaisie aux ailes d’or.
O fantaisie aux ailes d’or.
Va! va! retourne au pays des songes,
O fantaisie aux ailes d’or, ô fantaisie,
ô fantaisie aux ailes d’or!
No.4b. Scène
GERARD
Non! Je ne veux pas toucher à ces parures de jeune fille!
Non! c’est une profantion!
Lakmé Elle s’appelle Lamké.
C’est elle, les mains pleins de fleurs.
Lakmé! C’est elle!
(Il se cache, tout ému.)
LAKME & MALLIKA
O toi qui nous protèges,
Garde-nous des pièges
De nos persécuteurs!
(Elles posent les fleurs.)
LAKME
Et maintenant, dans cette eau transparente
Qui sur le sable d’or, murmure insouciante.
D’un soleil accablant viens braver les ardeurs.
MALLIKA
Oui, profitons de l’heure propice
Où les arbres touffus
Répandent sur la rive une ombre protectrice!
(Elle disparaît les arbres. Lakmé qui a fait un mouvement pour la suivre, s’arrête rêveuse.)
LAKME
Mais je sens en mon cœur des murmures confus!
No. 5. Récitatif et strophes
LAKME
Les fleurs me paraissent plus belles.
Le ciel est plus resplendissant!
Les bois ont des chansons nouvelles.
L’air qui passe est plus caressant.
Je ne sais quel parfum m’enivre.
Tout palpite et je commence à vivre.
Pourquoi?
Pourquoi dans les grands bois aimé-je à m’égarer
Pour y pleurer?
Pourquoi suis-je attristée au chant d’un colombe,
Pour une fleur fanée, une feuille qui tombe?
Et cependant ces pleurs ont des charmes pour moi,
Je me sens heureuse,
Je me sens heureuse,
Pourquoi?
Pourquoi chercher un sens au murmure des eaux
Dans les roseaux?
Pourquoi ces voluptés a sentir dans l’espace
Comme un souffle divin qui m’embaume et qui passe?
Parfois aussi ma bouche a souri malgré moi,
Je me sens heureuse,
Je me sens heureuse.
Pourquoi?
No. 5bis. Récititatif
LAKME
(apercevant Gérard et poussant un cri)
Ah! Malllika! Mallika!
MALLIKA
(accourant)
Lamké!
HADJI
(accourant)
Quel danger te menace!
LAMKÉ
(maîtrisant son émotion)
Aucun! Je me trompais…
Tout m’effraie aujourd’hui!
Mon père ne vient pas, et pourtant l’heure passe…
Allez tous deux vers lui, allez!
(Mallika et Hadji sortent en la regardant avec étonnement.)
No. 6, Duo
LAKME
(courroucée)
D’ou viens-tu?
Que veux-tu?
Pour punir ton audace
On t’aurait tué devant moi!
(à demi voix)
Mais je rougis de mon effroi!
Et je ne veux pas qu’on sache
Que le pied d’un barbare a souillé d’une tache
La demeure sacrée où père se cache!
Oublie et pour jamais ce qui frappe tes yeux,
Va-t’en! Va-t’en!
Va-t’en! je suis fille des Dieux!
GERARD
Oublier que je t’ai vue,
Te redressant toute émue
Sous un geste triomphant!
De colère frémissante,
Inflexible, menaçante,
Avec ce regard d’enfant!
Oublier que je t’ai vue
te redressant toute émue
Avec ce regard d’enfant!
LAKME
Jamais le plus téméraire,
Jamais un hindou mon frère,
N’oserait parler ainsi!
Et ce Dieu qui me protège
Punira ton sacrilège,
Va-t’en, va t’en sors d’ici!
GERARD
Oublier que je t’ai vue!
Et cette grâce ingénue!
Et ce charme pénétrant!
Ensemble
GERARD
Ah! tu veux que je t’oublie,
Lorsque je sens que ma vie
A tes lèvres se suspend,
Oublier que je t’ai vue!
Et cette grâce ingénue!
Ah! tu veux que je t’oublie,
Lorsque je sens que je sens que ma vie
A tes lèvres se suspend!
LAKME
D’où vient qu’à sauve.
De surprise émue,
Mon cœur est tremblant!
A sa vue,
de surprise émue,
Je sens en mon cœur
L’ardeur
D’une étrange fièvre ah! va-t’en!
Tu ne savais pas, sans doute,
Quel danger tu courrais!
Maintenant suis ta route,
Va! C’est la mort dont rien ne pourrait te garder, va!
GERARD
(très doux)
Laisse-moi! laisse-moi te regarder!
LAKME
(à part)
C’est pour moi dont il sait la haine,
Et c’est pour me voir un instant
Qu’il brave la mort, qu’il l’attend!
Quelle force vers moi l’entraîne?
(à Gérard)
D’où te vient
Cette audace surhumaine?
Quel est le Dieu qui te soutient?
GERARD
Quel Dieu? quel Dieu?
Ah C’est le Dieu de la jeunesse,
C’est le Dieu du printemps,
C’est le Dieu qui nous caresse
De ses baisers ardents,
Par qui s’ouvrent les calices
Des roses chaque jour,
C’est le Dieu de tes caprices
C’est l’amour!
LAKME
Il m’a semblé une flamme
Avait passé sur mon âme,
L’emplissant toute d’émoi!
Quels sont ces mots nouveaux pour moi? ah!
(cherchant à ses rappeler)
C’est le Dieu de la jeunesse,
C’est le Dieu du printemps,
C’est le Dieu qui nous caresse
De ses baisers ardents,
Par qui s’ouvrent les calices
Des roses chaque jour,
C’est le Dieu de mes caprices!
C’est l’amour.
C’est l’amour!
GERARD
Ah! reste, reste encor pensive et rougissante,
Laisse passer sur ta douce pâleur
Le charme enchanteur
De ta pudeur naissante!
LAKME & GERARD
Ah!
(en élargissant)
C’est le Dieu de la jeunesse,
C’est le Dieu du printemps,
C’est le Dieu qui nous caresse
De ses baisers ardents,
Par qui s’ouvrent les calices
Des roses chaque jour,
C’est le Dieu de mes (tes) caprices, c’est l’amour!
C’est le Dieu de la jeunesse, c’est l’amour!
LAKME
Grands Dieux! voici mon père!
Fuis! Par pitié par pitié!
(suppliant)
Par pitié…pour moi!
GERARD
(s’éloignant sans lui répondre)
Non! je ne t’oublierai plus, ô douce vision!
No. 6bis. Scène
HADJI
(montrant au Brahmane la clôture brisée)
Viens! là! là!
NILAKANTHA
(avec indignation)
Dans ma demeure!
Un profane est entré chez moi!
LAKME
Je meurs d’effroi!
NILAKANTHA
Il faut qu’il meure!
Vengeance! Vengeance!
NILAKANTHA & LES HINDOUS
Vengeance!
Entr’acte (a)
No. 7. Chœur et scène du marché
(Place publique d’une ville Hindoue. De nombreuses boutiques, des bazars, des étalages d’étoffes. Au fond, une pagode. C’est l’heure du marché.)
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Allons, avant que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne,
Jamais nous ne trompons personne.
Venez, le marché va finir.
Venez car nous allons partir.
Allons, avant que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne,
Venez, le marché va finir, nous allons bientôt partir.
Venez, le marché va finir,
Le marché va finir!
HINDOUS
Admirez cette babouche!
CHINOISE
Gâteaux exquis à la bouche!
HINDOUS
Et ce mouchoirs merveilleux!
CHINOIS
Et ravissants pour les yeux!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Voyez ces fraîches bananes
Et ces feuilles de bétel.
Belles nattés de lianes!
Goûtez ces rayons de miel!
Admirez cette babouche!
Gâteaux exquis à la bouche!
Charmant les eux!
6 MATELOTS
(frappant sur une table)
Servirez-vous les profanes,
Fils de Brahma, Roi du ciel!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Regardez-moi,
Ecoutez-moi!
Répondez-moi,
Achetez-moi!
6 MATELOTS
Servirez-vous les profanes,
Fils de Brahma, Roi du ciel!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Accordez-moi la préférence!
Profitez de notre présence.
6 MATELOTS
Allons! servez! O fils de Brahma!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Regardez-moi,
Ecoutez-moi!
Achetez-moi!
Ah!
Allons, avant que midi sonne,
6 MATELOTS
Quand midi sonne,
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, on ne vend plus, on donne,
6 MATELOTS
Il faut partir.
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Jamais nous ne trompons personne.
6 MATELOTS
Comment personne
Ici ne vient nous servir!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, le marché va finir.
Venez car nous allons partir.
Allons, avant que midi sonne,
6 MATELOTS
Comment personne
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, on ne vend plus, on donne,
6 MATELOTS
Pour nous servir!
Faut-il qu’on vous bâtonne!
Allons! allons! hâtez-vous de venir!
MARCHANDS CHINOIS ET HINDOUS
Venez, le marché va finir,
Nous allons bientôt partir.
Venez, le marché va finir, le marché va finir!
MISS BENSTON
(égarée dans la foule)
Ces égoïstes,
Peu formalistes,
Causent de leurs amours
Et me perdent toujours!
DOMBEN
(presque parlé)
Madame, le bonne aventure!
MISS BENSON
Laissez-moi je vous conjure.
CHINOIS
Voyez ces bijoux dorés.
MISS BENSON
Monsieur, vous m’exaspérez!
KOURVAR
Laissez madame, on la désole.
MISS BENSON
Ah! merci!
(presque parlé)
Mais il me vole!
DOMBEN
Je vais lire dans votre main
Quel bonheur vous attend demain.
MISS BENSON
Mais monsieur! laissez-moi tranquille!
CHINOIS
Cet élixir rend la santé.
Et donne aux femmes la beauté
MISS BENSON
Merci, monsieur, c’est inutile!
KOURAVAR
(lui volant son mouchoir)
Chacun son lot!
CHINOIS
Encore un mot! Encore un mot!
Encore un mot, encore un mot!
DOMBEN
A moi plutôt!
A moi plutôt! A moi, plutôt!
KOURAVAR
Chacun son lot! Chacun son lot, son lot!
MARCHANDS HINDOUS ET CHINOIS
A moi plutôt!
MISS BENSON
(furibonde)
Assez!
(parlato)
Je suis le gouvernante
De la fille du Gouverneur!
FREDERIC
(accourant)
C’est Mistress Benson en fureur!
ROSE
(accourant)
C’est Mistress Benson, qu’avez-vous?
FREDERIC
Qu’avez-vous?
MISS BENSON
On me violenté!
Ensemble
MARCHANDS HINDOUS ET CHINOIS
Venez avant que midi sonne,
Ici l’on ne vend plus, on donne
Nous allons bientôt partir,
Venez, le marché va finir,
Vite, avant que midi sonne,
Ici l’on ne vend plus, on donne,
Nous allons bientôt partir
Venez, le marché va finir,
Venez, le marché va finir!
FREDERIC
Faut-il s’effrayer de la sorte
Pour quelques honnêtes marchands
Trop pressants!
ROSE
Faut-il s’effrayer de la sorte
Pour quelques honnêtes marchands
Trop pressants!
MISS BENSON
Voilà qu’ils font les innocents!
Et c’est ma montre qu’on emporte!
Ciel! quel est ce nouveau tapage!
Trop tard! Trop tard!
FREDERIC
C’est le signal du départ.
La marché déménage.
C’est le départ!
ROSE
Le marché déménage!
C’est le départ!
6 MATELOTS & LES MARCHANDS HINDOU ET CHINOIS
C’est le signal du départ!
Ensemble
LES MARCHANDS HINDOU ET SHINOIS
Voilà déjà que midi sonne,
Venez, on ne vend plus, on donne.
Jamais nous ne trompons personne.
Venez, le marché va finir, et maintenant il faut partir.
Ecoutez-moi,
Achetez-moi,
Accordez-moi la préférence,
C’est pour finir!
Il faut partir!
Voilà déjà midi qui sonne,
La marché doit finir!
6 MATELOTS
Voilà midi qui sonne,
Partez, on l’ordonne!
Faut-il qu’on vous bâton!
Allons, il faut partit,
Délivre-nous de ta présence,
O sotte engeance!
Car c’est la loi!
Pour obéir
Il faut partir
Quand midi sonne,
Le marché doit finir!
MISS BENTSON
Ils sont assourdissants!
Je demande du calme, un peu de calme!
FREDERIC
If faudra y renoncer pour aujourd’hui
Mistress Benston.
No. 7bis. Récitatif
ROSE
Moi, j’adore ce tapage!
MISS BENTSON
Cependant, le marché est fini.
FREDERIC
Mais la fête commence!
MISS BENTSON
Et que vont-ils faire encore?
FREDERIC
Ils vont danser sur toutes les places,
et changer à tous les coins de rue.
La foule se plaît à aller de l’un à l’autre—tantôt ici,
tantôt là, C’est très amusant!
MISS BENTSON
Mais nous avons perdu Miss Ellen!
FREDERIC
Elle est sous la garde de son fiancé.
ROSE
Oh! elle ne court aucun danger.
Ah! Voici les danseuses!
MISS BENTSON
Quelles danseuses?
FREDERIC
N’avez-vous jamais entendu parler
des bayadères de l’Inde?
MISS BENTSON
Que font-elles ordinairement?
FREDERIC
Elles vivent dans les pagodes
pour le plus grande joie des prêtres de Brahma.
MISS BENTSON
Ce sont des vestales!
FREDERIC
Si vous voulez. Ce sont des vestales qui n’ont rien à garder!
MISS BENTSON
Oh! Shocking!
No. 8. Airs de danses
Introduction
Terána
Rektah
Persian
Coda, avec chœurs
LA FOULE
Ah!
Pour nos yeux charmés
Dansez encor, filles des cieux.
Ah!
De notre danse doublez l’essor,
Ah! tournez encor,
Plus vite encor, plus vite encor
Par la danse entraînante,
Par la danse enivrante,
Charmez nos yeux,
Filles des cieux!
Sortie
(Les Bayadères sortent suives de la foule. Nilakantha, revêtu du costume de Sanniassy, ou pénitent hindou, passe au fond, accompagné de sa fille.)
No. 8bis. Récitatif
ROSE
Voyez donc ce vieillard et cette jeune fille.
FREDERIC
C’est un Sanniassy.
ROSE
Comme son regard brille!
FREDERIC
Il va dans la ville quêtant de modestes offrandes
et sa fille dira ces pieuses légendes
que les Indiens aiment tant.
MISS BENSTON
Ah! Miss Ellen, Enfin!
FREDERIC
Toute joyeuse au bras de son fiancé.
No. 9. Scène et stances
NILAKANTHA
C’est un pauvre qui mendie,
Une diseuse de chansons.
(Frédéric et Rose passent avec indifférence.)
Cette foule étourdie
S’éloigne quand nous passons!
Sous ce vêtement misérable
voit-on le justicier qui poursuit un coupable!
Ces Anglais sentent-ils tout leur sang si figer
En lisant sur mon visage
Que je vais me venger!
LAKMÉ
(timidement)
Brahma nous défend-il d’oublier un outrage?
NILAKANTHA
L’outrage d’un étranger!
Stances
(avec beaucoup de tendresse)
Lakmé, ton doux regard se voile,
Ton sourire s’est attristé
Comme on voit pâlir une étoile,
Une ombre assombrit la beauté,
C’est que Dieu de nous se retire,
C’est qu’il attend la mort du criminel,
Mais je veux retrouver ton sourire,
Oui, je veux retrouver ton sourire,
Et dans tes yeux, et dans tes yeux
Je veux revoir le ciel!
Le cœur rempli d’ardentes fièvres,
J’ai voulu t’écouter dormir!
Un rêve passait sur tes lèvres
Et je voyais ton front rougir.
C’est que Dieu de nous se retire,
C’est qu’il attend la mort du criminel
Mais je veux retrouver ton sourire,
Oui, je veux retrouver ton sourire
Et dans tes yeux,
Et dans les yeux je veux revoir le ciel!
No. 9bis. Récitatif
LAKMÉ
Ah!
C’est de ta douleur que je me sens émue,
Ma gaîté reviendra!
Vois,
Elle est revenue.
NILAKANTHA
(d’une voix contenue)
Si ce maudit s’est introduit chez moi,
S’il a brave la mort pour arriver à toi,
Pardonne-moi ce blasphème,
C’est qu’il t’aime!
(avec beaucoup de sentiment)
Toi, ma Lakmé,
Toi, la fille des dieux.
Il va triomphant par la ville,
Nous allons retenir cette coule mobile,
Et, s’il te voit, Lakmé,
Je lirai dans ses yeux!
Affermis bien ta voix!
Sois souriante,
Chante!
La vengeance est là!
No. 10. Scène et légende de la fille du Paria
(Air de cloches)
LAKME
(senza rigore di tempo)
Ah!
(Les Hindous se rapprochement peu à peu.)
NILAKANTHA
Par les dieux inspirée,
Cette enfant vous dira
La légende sacrée
De la fille du Paria…
LES HINDOUS
Ecoutons la légende, écoutons!
LAKMÉ
(presque en récitatif)
Où va le jeune Indoue,
Fille des Parias,
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas?
Quand la lune se joue
Dans les grands mimosas?
Elle court sur la mousse
Et ne se souvient pas
Que partout on repousse
L’enfant des parias.
Elle court sur la mousse,
L’enfant des parias;
Le long des lauriers roses,
Rêvant de douces choses,
Ah!
Elle passe sans bruit
Et riant à la nuit à la nuit!
Là-bas dans la forêt plus sombre,
Quel est ce voyageur perdu?
Autour de lui des yeux brillent dans l’ombre,
Il marche encore au hasard éperdu!
Les fauves rugissent de joie,
Ils vont se jeter sur leur proie
La jeune fille accourt et brave leurs fureurs,
Elle a dans sa main la baguette
Où tinte la clochette, où tinte la clochette
Des charmeurs.
(imitant la clochette)
Ah! ah! ah!
L’étranger la regarde,
Elle reste éblouie,
Il est plus beau que les Rajahs!
Il rougira s’il sait qu’il doit la vie
A la fille des parias.
Mais lui, l’endormant dans un rêve,
Jusque dans le ciel il l’enlève,
En lui disant: ta place est là!
C’était Vishnou, fils de Brahma!
Depuis jour au fond des bois,
Le voyageur entend parfois
Le bruit léger de la baguette
Où tinte la clochette,
Où tinte la clochette
Des charmeurs.
(imitant la clochette)
Ah! ah! ah!
No. 11. Scène
NILAKANTHA
(récit.)
(à part)
La rage me dévore,
Il n’est pas venu,
Je l’aurais reconnu!
(à sa fille)
Chante! Chante encore!
LAKME
(hésitante)
Mon père!
NILAKANTHA
Chante! Chante encore!
LES HINDOUS
Ah! chante encore!
(Quelques officiers paraissant au fond. Gérard et Frédéric sont avec eux.)
NILAKANTHA
(à mezzo voce)
Chante! chante!
LAKME
(récit.)
Où va le jeune Indoue,
Fille des parias,
(Elle aperçoit Gérard qui ne l’a pas encore vue.)
(très émue)
Quand la lune se joue
Dans les grands momosas…
NILAKANTHA
Encor!
LAKME
Elle court sur la mousse et ne se souvient pas…
NILAKANTHA
Encor!
LAKME
(se troublant de plus en plus)
…ah!
NILAKANTHA
Chante!
LAKME
…ah!
NILAKANTHA
Encor!
LAKME
(Poussant un cri en voyant Gérard qui s’approche)
Ah! ah!
GERARD
(s’élançant pour la soutenir)
Lakmé
NILAKANTHA
(s’emparent de sa fille)
C’est lui!
LES HINDOUS
Qui la trouble ainsi!
LAKME
(cherchant à maîtriser son émotion)
C’est un mal que j’ignore,
Ce n’est rien!
C’est fini…
Je veux…
Je veux chanter encore.
(d’une voix faible)
Ah!
GERARD
La fille du Brahmane!
FREDERIC
Ici!
LAKME
Ah!
NILAKANTHA
(à sa fille)
Ah! Brahma t’inspirait, l’étranger s’est trahi!
LAKME
(faiblissant)
Ah!
GERARD
(avec émotion)
C’est Lakmé, c’est elle!
FREDERIC
Sois prudent.
GERARD
Laisse-moi!
Laisse-moi la revoir.
FREDERIC
On nous appelle!
GERARD
Attends!
LES HINDOUS
Les soldats! Les soldats!
FREDERIC
Par cette enfant es-tu donc retenu?
GERARD
Non! non!
(Ils s’éloignent.)
NILAKANTHA
(récit)
Je le connais!
Je le connais!
Dieu nous est revenu!
(Des soldats Anglais défilent au fond du théâtre, fifre et tambours en tête. La foule les accompagne et s’éloigne lentement. Le Brahmane et les conjurés se groupent sur le devant de la scène.)
No. 12 Scène et Chœur
NILAKANTHA
(mystérieusement aux conjurés)
Au milieu des chants d’allégresse,
Quand la foule suivra
Le cortège de la Déesse,
Mon regard le désignera.
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, vous irez.
CONSPIRATEURS
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, nous irons.
NILAKANTHA
Et dans un cercle infranchissable,
Lentement vous l’enfermerez.
CONSPIRATEURS
Et dans un cercle infranchissable,
Lentement nous l’enfermerons,
NILAKANTHA & CONSPIRATEURS
Lentement nous enfermerons.
CONSPIRATEURS
Lentement nous l’enfermerons.
NILAKANTHA
Alors éloignez-vous sans crainte.
Je serai là!
J’ai préparé mon bras pour cette tâche sainte,
Et c’est moi qui le frapperai!
Et c’est moi qui le frapperai!
CONSPIRATEURS
Des siens séparant le coupable,
Sans bruit, pas à pas, nous irons,
et dans un cercle infranchissable,
Lentement nous l’enfermerons,
Lentement vous l’enfermerons!
LAKME
O mon père,
Je te suivrai.
NILAKANTHA
Non! mon cœur, qui n’a jamais faibli,
Se troublerait près de toi…
Non!
Reste, reste avec Hadji!
(Les conjurés et le Brahmane sortent lentement; Lakmé reste seule avec Hadji.)
No. 12bis. Récitatif
HADJI
Le maître ne pense qu’à sa vengeance.
Il n’a pas vu couler tes larmes,
ô maîtresse, mais Hadji étiat là.
Hadji sait lire sur les visages:
il sait quelle trace y laisse la douleur.
Il t’apparient et la vie d’Hadji ne compte pas.
Quand tu étais enfant, j’allais défier les tigres
dans les forêts sauvages pour cueiller
la fleur que tu aimais…
J’allais au fond de la mer chercher pour toi
une perle plus belle que toutes les perles.
Aujourd’hui tu es femme, ta pensée a d’autres caprices,
ton cœur a d’autres désirs.
Si tu as un ennemi à punir, parle!
Si tu as un ami à sauver, ordonne!
No. 13. Duet
GERARD
Lakmé! Lakmé!
C’est toi!
C’est toi qui viens à moi!
(avec ferveur)
Dans le vogue d’un rêve,
Je t’ai vue en passant,
Le voile se soulève
Et l’idole descend,
Je subis ta puissante,
Par ton charme enchaîné,
Et je vais sans défense
Vers le ciel entraîné.
LAKME
(tristement)
Mon ciel n’est pas le tien
Le Dieu que tu révères
N’est pas celui que je connais;
Au mien si je te ramenais,
Tout les Hindous, nos frères,
Devraient te protéger.
(en hésitant un peu)
Tu me courrais aucun danger!
GERARD
Viennent tous les dangers du monde!
Dans l’ivresse profonde
Où ma raison se perd,
Verrais-je sous mes pas
Un abîme entr’ouvert.
Quand de tes longs cheveux
doucement tu m’effleures?
LAKME
(résolument)
Je ne veux pas que tu meures!
GERARD
(avec passion)
Ah! c’est l’amour endormi
Qui de son aile t’effleure,
Et ton cœur s’est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
Ah! c’est l’amour endormi
Qui de son aile t’effleure,
Et ton cœur s’est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
LAKME
Hélas! c’est un ennemi
Dont le souffle ardent m’effleure,
Tout mon être a frémi,
Mais je ne veux pas qu’il meure!
Hélas! c’est un ennemi
Dont le souffle ardent m’effleure, ah!
Je ne veux pas qu’il meure!
GERARD
Ah! ton cœur s’est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
LAKME
(mystérieusement)
Dans la forêt près de nous,
Se cache toute petite,
Une cabane en bambous
Qu’un grand arbre vert abrite,
Comme un nid d’oiseaux peureux,
Dans les lianes posée
Et sous les fleurs écrasé,
Elle attend des gens heureux,
Dans les lianes posée,
Et sous les fleurs écrasée,
Elle attend des gens heureux.
Elle échappe à tous les yeux,
Dehors, rien ne la révèle,
Le grand bois silencieux
qui l’enferme est jaloux d’elle,
C’est là que tu me suivras.
Toujours à l’aube naissante
Je reviendrai souriante,
Et c’est là que tu vivras!
GERALD
(répétant les paroles de Lakmé)
Toujours à l’aube naissante,
tu reviendras souriante
LAKME
Je viendrai souriante
GERARD & LAKME
Et c’est là que tu vivras!
GERARD
(avec passion)
O douce enchanteresse,
Parle, parle toujours!
LAKME
Ah! viens! viens! le temps presse
et les instants sont courts!
GERARD
Tu veux que je me cache,
Tu ne peux pas savoir
Qu’ici l’honneur m’attache,
L’honneur et le devoir.
LAKME
Lakmé t’implore et te supplie!
GERARD
Demande moi plutôt ma vie!
LAKME
Ai-je donc perdu mon pouvoir?
GERARD
Ah! Lakmé, tu pleures!
LAKME
(avec beaucoup d’élan)
Je ne veux pas que tu meures!
GERARD
Ah! c’est l’amour endormi
Qui de son aile t’effleure,
Et ton cœur s’est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure!
Ensemble
LAKME
Hélas! c’est un ennemi
Dont le souffle ardent m’effleure, ah!
Je ne veux pas qu’il meure!
GERARD
Tu ne veux pas que je meure!
Ah! ton cœur s’est raffermi,
Tu ne veux pas que je meure,
Lakmé, que je meure!
LAKME
Ah! je ne veux pas qu’il meure, qu’il meure!
C’est fini, les nôtres sont là!
Voici la déesse Dourga!
No. 14 Finale
Chant des Brahamanes
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Les Brahmanes se dirigent vers la Pagode.)
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Danse Sacré
Déesse d’or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège.
Chant des Brahamanes
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Danse Sacré
Déesse d’or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège!
(Les Brahmanes et les Bayadères entrent dans la Pagode.)
ELLEN
Voyez cette ville en fête!
ROSE
Et ces cris, ces cris et ces hourras.
MISS BENTSON
Ils ont tous perdu la tête
Pour leur déesse aux dix bras!
ELLEN & ROSE
Ils ont tous perdu la tête
Pour leur déesse aux dix bras!
FREDERIC
(qui rejoint Gérard)
C’est pour admirer la Déesse
Que tu nous as quittés ainsi?
GERARD
(préoccupé)
Oui! leur fête m’intéresse.
FREDERIC
(souriant)
La fille du Brahmane a passé par ici.
GERARD
(éclatant)
C’est un fête, une folie
qui passe et qu’on oublie,
Mais dans mon cœur révolté
Je sens avec épouvante
Que Lakmé seule est vivante,
Je n’y vois que sa beauté!
BRAHAMANES dans la Pagode
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
FREDERIC
(gaîment)
Je te ferais une belle morale,
Si nous ne partions pas demain.
Mais le guerre a du bon,
Cette fille idéale
Ne sera plus sur ton chemin.
(Le cortège sort de la Pagode, escortant la statue de la Déesse Dourga.)
ELLEN, ROSE & MISS BENTSON
Comment fuir ce tapage?
Ils ont juré tous je le gage,
De nous étourdir du soir au matin!
BRAHAMANES
(Basses)
O Dourga, toi qui renais
Dans les flots du Gange,
A nos yeux, viens apparais
Toi par qui tout change.
(Sopranos et Ténors)
Dourga, entends nos voix!
Dourga, entends nos voix!
Déesse d’or, entends nos voix,
Que ton bras nous protège.
Tu nous souris et tu nous vois
Saluant ton cortège, ton cortège.
O Déesse, viens encor,
Viens, que ton bras nous protège.
Apparais, apparais ô Dourga! viens!
entends-nous, ô Dourga!
(Le procession sort.)
(Nilakantha désigne Gérard aux conjurés.)
GERARD
C’est un rêve, une folie
Qui passe et qu’on oublie,
Mais dans mon cœur révolté
Je vois avec épouvante
Que Lakmé seule est vivante,
Je n’y vois que sa beauté!
LAKMÉ
Ils l’ont tué!
Hadji!
Chut!
(Elle s’approche de Gérard et voit qu’il est seulement évanoui)
Ils croient leur vengeance assouvie!
(se penchant vers Gérard)
Tu m’appartiens pour toujours,
Je ne vivais que de ta vie,
Dieu protège nos amours!
Dieu protège nos amours!
(Hadji and the bearers hurry Gérard away.)
Entr’acte (b)
No. 15. Berceuse
(Une partie de forêt de l’Inde, dans laquelle on aperçoit une sorte de cabane en bambous perdue sous les lianes et les fleurs. Gérard est étendu sur un lit de feuillage. Lakmé épie son sommeil.)
LAKME
Sous le ciel tout étoilé
Le ramier blanc au loin s’en est allé.
Ah! reviens, ma voix t’appelle,
Mon doux ami, reviens, ferme ton aile,
Sous le ciel tout étoilé
Le ramier blanc au loin s’en est allé.
Il dort!
Puisse encor un moment
Ma naïve chanson le bercer doucement.
Puisse-t-il de moi reposer un moment!
Sous le ciel tout étoilé
Le ramier blanc au loin s’en est allé.
Sa compagne qui l’appelle,
N’entendra plus jamais battre son aile.
Sous le ciel tout étoilé
Le ramier blanc au loin s’en est allé.
Ah! reviens! Ah!
No. 15. Récitatif
GERARD
(ouvrant les yeux)
Quel vague souvenir alourdit ma pensée?
Et sur ma poitrine oppressée
Quel rêve s’est appesanti?
Sous un charme accablant…je reste anéanti.
Je me souviens, la ville était en fête,
J’allais dans mon extase, à demi réveille,
Quand l’éclair d’un poignard à mes yeux a brillé
Et la nuit s’est faite.
LAKME
(se penchant vers lui)
Alors Hadji, dans l’ombre se glissant,
T’a transporté sous ce toit de verdure.
J’ai ramené la vie à ton front pâlissant,
Les filles de ma caste apprennent en naissant
Comment le suc des fleurs guérit une blessure.
GERARD
Je me souviens, sans voix, inanimé,
Je te voyais, sur mes lèvres penchée,
Mon âme à tes regards toute entière attachée,
Revivait sous ton souffle, ô ma douce Lakmé!
No. 16. Cantilène
GERARD
Lakmé! Lakmé!
Ah! Viens, dans la forêt profonde
L’aile de l’amour a passé,
Et, pour nous séparer du monde,
Sur nous le ciel s’est abaissé.
Ah! Viens, dans la forêt profonde
Pour nous faire oublier le monde
L’aile de l’amour a passé.
Ces fleurs courant capricieuses
Ont des senteurs voluptueuses
Qui jettent au cœur a molli
L’ivresse et l’oubli.
Ah! viens dans la forêt profonde,
Pour jamais faire oublier le monde
L’aile de l’amour a passé,
L’aile de l’amour a passé!
No. 17. Scène et chœur
LAKME
Là, je pourrai t’entendre,
Nous vivrons tous les deux
Et je pourrai t’apprendre
L’histoire de nos Dieu;
Nous chanterons en semble
Ces Dieux fois bénis,
Devant lesquels tout tremble,
Qui nous ont réunis,
et ton âme enflammée
De bonheur s’emplira
Sur la terre charmée
Que protège Brahma!
CHŒUR DES COURTISANS
(dans la coulisse)
Ah!
GERARD
Ecoute!
On passe sur la route
Qui longe la forêt.
LAKME
Personne ici ne nous découvrirait!
CHŒUR(COUPLES D’AMOUREUX)
Descendons la pente
Doucement
La source qui chante
Nous attend
Près de son murmure,
Deux à deux,
Puisons l’onde pure
Sous les cieux.
Descendons la pente
Doucement,
La source qui chante
Nous attend.
AUTRES COUPLES
Ah!
GERARD
Quel est ce chant plein de tendresse
Qui passe comme une caresse?
LAKME
Ce sont des couples amoureux
Qui par les doux chemins ombreux
Vont à la source vénérée,
Pour puiser l’eau sacrée,
Chère aux amants heureux.
(gravement)
Quand ils ont effleuré,
de leurs lèvres brûlantes,
La même coupe, ils sont unis,
ils sont unis et pour toujours.
Et les déesses bienfaisantes
Veillent sur leurs amours.
Ensemble
GERARD
Et les déesses bienfaisantes
Veillent sur leurs amours.
LAKME
Les déesses bienfaisantes
Veillent sur leurs amours.
CHŒUR(COUPLES D’AMOUREUX)
Descendons la pente
Doucement
La source qui chante
Nous attend
Près de son murmure,
Deux à deux,
Puisons l’onde pure
Sous les cieux.
Descendons la pente
Doucement,
La source qui chante
Nous attend.
AUTRES COUPLES
Ah!
LAKME
Nous ne pourrions sans crainte
Suivre ces amoureux
Tous les deux,
Mais à la source sainte
J’irai seule pour toi.
Attends-moi!
GERARD
O douce tentatrice!
LAKME
Attends-moi!
(Elle s’éloigne.)
GERARD
(la suivant des yeux)
Je vis de ton caprice
Et de ta volonté.
FREDERIC
(paraissant)
Vivant!
GERARD
(parlé)
Ah!
FREDERIC
(avec émotion)
J’ai marché sous les hautes fougères
Qu’on venait de froisser, j’ai vu sur les bruyères
Et sur la mousse au reflet blanc,
Des gouttes de sang!
Je t’ai cru mort!
Que fais-tu là?
GERARD
Je rêve!
FREDERIC
Quand les nôtres vont partir?
GERARD
Laisse-moi me souvenir…
FREDERIC
Quand le pays tout entier se soulève!
GERARD
Hier, on m’a frappé!
Lakmé m’a sauvé!
FREDERIC
La fille du Brahmane?
GERARD
Elle m’a fait revivre dans un monde
où je reste éperdu…sans force…ivres
De son charme et de son amour!
FREDERIC
Ah! je connais ces ivresses d’un jour!
Elle te parait charmante,
Livrant toute son âme aux amours inconstants,
Cette fille de l’Inde, ardente et frémissante,
ardente et frémissante
Sous les caresse du printemps!
GERARD
(avec passion)
Non! c’est un cœur qui s’éveille et se donne,
C’est un amour naissant que la pudeur étonne.
FREDERIC
Allons, il faut la fuir, la fuir à l’instant même!
Garde-toi d’un remords, si tu crois qu’elle t’aime…
Ces enfants-là ne savent pas souffrir.
GERARD
Je l’envelopperai si bien de ma tendresse…
FREDERIC
Et miss Ellen?
GERARD
Je subis le pouvoir d’une enchanteresse…
FREDERIC
Et…ton devoir?
GERARD
Mon devoir?
FREDERIC
(avec chaleur)
Et notre passion, à nous tous, la meilleure;
Notre honneur de soldat!
C’est demain qu’on se bat!
GERARD
Demain!
FREDERIC
Nous partons…nous partons dans une heure!
GERARD
(avec résolution)
J’y serai!
FREDERIC
Je t’ai retrouvé! retrouvé!
GERARD
J’y serai!
(regardant au fond)
C’est Lakmé! C’est Lakmé qui m’apporte l’eau sainte!
FREDERIC
Oh! maintenant tu peux la voir, je suis sans crainte
Et je t’attends!
(en sortant)
Il est sauvé!
No. 19. Duet
LAKME
Ils allaient deux à deux
Et les mains enlacées,
Les jeunes amoureux.
Moi, je marchais près d’eux,
Seule avec mes pensées.
L’allais, le cœur tout en émoi,
Comme eux de tendresse altérée.
Et maintenant écoute-moi.
(religieusement)
Quand à la même coupe on a bu l’eau sacrée,
Ou reste pour toujours unis!
(Elle le regarde attentivement.)
(frappée de stupeur)
Ce n’est plus toi!
Ce n’est plus toi!
GERARD
Lakmé!
LAKME
Ah! Ce n’est plus toi!
Quand tu parlais, ton âme
Sur tes lèvres se posait,
Ton regard n’a plus la flamme
Qui m’embrasait,
Sur ton visage un nuage a passé
Et l’a glacé!
GERARD
N’es-tu plus l’enfant charmante
Pour qui j’ai tout oublié?
LAKME
Ce n’est plus toi!
GERARD
Es-tu moins belle et moins aimante!
LAKME
Ce n’est plus toi!
GERARD
Moins belle et moins aimante!
LAKME
(gravement)
Veux-tu qu’à mon destin ton destin lié?
GERARD
Je veux ce que tu veux,
Je veux ce que t’inspire
Ton caprice, je veux, je veux te voir sourire.
LAKME
Quel que soit le Dieu clément
Dont tu bénis la puissance,
Quelle que soit ta croyance,
Tu sais ce que vaut un serment!
GERARD
(presque parlé)
Ciel!
(Fifres dans la coulisse)
CHŒUR DES SOLDATS
(au lointain dans la coulisse)
Alerte!
GERARD
Nos soldats!
CHŒUR DES SOLDATS
Alerte!
Courage!
LAKME
Jure!
CHŒUR DES SOLDATS
Courage!
GERARD
Ce sont eux!
CHŒUR DES SOLDATS
Marchons le cœur content.
Marchons en chantant.
LAKME
Jure!
Et tu m’appartiendras!
GERARD
Lakmé!
LAKME
Tu n’oses pas!
CHŒUR DES SOLDATS
Hardi voyage,
Chansons et combats
Sont le partage
Des vrais soldats.
Vers notre mère
Allez triomphants
Vers l’Angleterre
Voyez, nos chants!
LAKME
C’est là-bas que va sa pensée!
Son cœur a tressailli,
Et sa patrie à ses yeux s’est dressée!
(avec déchirement, après avoir essayé vainement d’attirer son regard. Pendant que Gérard écoute, Lakmé va cueillir une fleur de Datura et la mord en souriant, sans que Gérard aperçoive.)
GERARD
Lakmé! Lakmé! Qu’as-tu?
LAKME
(avec tendresse)
tu m’as donné le plus doux rêve
Qu’on puisse avoir sous notre ciel,
Reste encore, pour qu’il s’achève,
Ici, loin de monde réel.
Tu m’as dit des mots de tendresse,
Que les Indous ne savent pas,
C’est toi qui m’as appris l’ivresse
Des aveux murmurés tout bas, murmurés tout bas.
Ah! Tu m’as donné le plus doux rêve
Qu’on puisse avoir sous notre ciel
Reste encore pour qu’il s’achève,
Ici, loin du monde réel,
Loin du monde réel!
GERARD
Ce que je lis sur ton visage,
Ma Lakmé, me glace d’effroi!
De tout, mon âme se dégage
Et je ne serai plus qu’à toi!
LAKME
Ah! maintenant je veux te croire.
Voici la coupe où je vais boire.
(Elle y trempe se lèvres.)
(lui tendant la coupe)
Prends!
GERARD
(le prenant)
A toi! Lakmé, et pour toujours!
LAKME
(avec mélancolie)
C’est la fête de nos amours!
(Gérard boit.)
GERARD
(avec exaltation)
Qu’autour de moi tout sombre,
Je ne veux pas une ombre.
Je ne veux pas une ombre
Sur ton front enchanté,
Je reste sous le charme,
Que jamais une larme
Que jamais une larme
Ne me voile ta beauté!
LAKME
C’est la fête de nos amours,
C’est la fête de nos amours.
GERARD
Qu’autour de moi tout sombre,
Je ne veux pas une ombre,
Je ne veux pas une ombre
Sur ton front enchanté!
Ensemble
GERARD
Je reste sous le charme,
Que jamais une larme
Que jamais une larme
(en élargissant)
Ne me voile ta beauté!
LAKME
C’est ma première larme…
Et je meurs sous le charme
(en élargissant)
Par l’amour apporté!
GERARD
Toujours à toi, je te le jure!
LAKME
(défaillante)
C’est un serment que tu pourras tenir.
Je ne crans pas, va!
Que tu sois parjure!
Je vais mourir…
GERARD
Mourir!
LAKME
(souriante)
La mort ne sépare pas,.
C’est elle qui nous lie,
Je te donne ma vie,
et je meurs dans tes bras…
GERARD
Lakmé!
LAKME
Et je meurs dans tes bras!
GERARD
Non! ce n’est pas la mort,
C’est la vie ardente
Qui coule à plein bord
Sur ta lèvre frémissante.
Ah!
Qu’autour de moi tout sombre,
Ensemble
LAKME
Adieu!
Rêve qui sombre,
Hélas, quelle ombre en mon cœur attristé!
C’est ma première larme
Et je meurs sous le charme
Par l’amour apporté!
Par l’amour apporté!
GERARD
Je ne veux pas une ombre,
Je ne veux pas une ombre
Sur ton front enchanté.
Je reste sous le charme,
Que jamais une larme
Que jamais une larme
Ne me voile ta beauté!
Ne me voile ta beauté!
No. 20. Finale
NILAKANTHA
C’est lui! C’est lui!
Lui! près de Lakmé!
LAKME
Ciel! mon père!
GERARD
Frappez! Frappez! Je suis désarmé!
NILAKANTHA
Tu mourras! Tu mourras!
LAKME
Ecoutez-moi!
Nous avons bu tous deux à la coupe d’ivoire,
Il est sacré pour vous!
NILAKANTHA
Lui!
LAKME
(d’une voix faible)
S’il faut à nos Dieux
Une victime expiatoire,
Qu’ils m’appellent vers eux!
GERARD
Quel éclair dans ses yeux brille!
LAKME
(avec extase)
Ils m’ont parlé!
NILAKANTHA
(la saisissant éperdu)
Lakmé! ma fille!
GERARD
Grand Dieu!
(avec de sanglots)
Elle meurt pour moi!
LAKME
(défaillante)
Tu m’as donné le plus doux rêve
Qu’on puisse avoir sous notre ciel,
Reste encore, pour qu’il s’achève,
Ici, loin du monde réel,
Loin du monde…
(Elle meurt.)
GERARD
(poussant un cri)
Ah! morte!
NILAKANTHA
(avec exaltation)
Elle a l’éternelle vie,
Quittant cette terre as servie,
Elle porte là-haut nos vœux.
Elle est dans la splendeur des cieux!
GERARD
Ah!
FIN